Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/271

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— La gloire et la puissance royale ne sont rien auprès de l’amour heureux, murmura-t-il en reportant ses yeux sur la barque qui portait ses amis.

Elle était en mer à présent, hors de la portée des soldats ; elle déployait sa voile et fuyait rapidement.

— Ils sont sauvés, dit le prince.

Alors il tourna ses regards d’un autre côté, du côté de Kioto et de Naïkou ; il voyait le commencement de la route qui conduisait à la ville sacrée et qu’il avait parcourue tant de fois ; il voyait les côtes se découpant sur l’azur de la mer et s’étendant en se perdant dans le lointain, vers la province où s’élève le temple antique de Ten-Sio-Daï-Tsin. Il semblait vouloir distinguer, à travers la distance, celle qu’il ne devait plus revoir.

Le soleil disparut, la lumière de l’incendie commença à surmonter l’éclat du jour. Le palais du siogoun, au pied de la tour, était une large fournaise qui, vue d’en haut, paraissait comme un lac de feu agité par une tourmente. Les flammes se croisaient, tourbillonnaient, formaient des volutes comme les vagues dans la tempête. Par instant, un nuage de fumée rousse passait devant les yeux du prince, lui voilant l’horizon. Tous les étages de la tour brûlaient, un ronflement formidable, mêlé à une perpétuelle cré-