Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/9

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fuient le cou tendu, ils sont verts comme tout le paysage.

Fatkoura n’écoutait pas.

— Il te reviendra, disait alors Tika, renonçant à détourner l’esprit de sa maîtresse de son chagrin obstiné, quand tu seras sa femme il t’aimera de nouveau : tu es si belle !

— Il ne m’a jamais aimée et je ne veux pas qu’il m’aime, disait Fatkoura, car je le hais.

Tika soupirait.

— Je n’ai qu’une joie, c’est de savoir qu’il souffre ; qu’elle aussi, celle qui m’écrase de sa puissance et de sa beauté sans pareille, est mordue par la douleur. Ils s’aiment et ils ne peuvent l’avouer. Je suis un obstacle de plus entre eux : le mikado pouvait mourir, elle l’eût épousé.

— Une kisaki ! épouser un prince ! s’écria Tika.

— Oublies-tu, dit Fatkoura, que l’aïeul de Nagato fut le premier après le mikado, les insignes d’Ivakoura le disent encore, puisqu’ils sont composés de deux caractères chinois signifiant : « Le premier grade. » Du temps où j’aimais le prince de Nagato, le fils des dieux lui-même n’aurait pu le chasser de mon cœur.

— Tu l’aimes plus que jamais, murmura Tika.

Parfois Fatkoura s’attendrissait sur elle--