l’angle du tableau, et, par la porte entr’ouverte, deux chrétiens jettent au dehors un regard ébloui et furtif.
En bas, c’était l’ombre, la souffrance, la résignation ; en haut, c’est la lumière, la richesse et l’orgueil : un triomphe romain passe fastueusement sous l’arc votif. Le blanc quadrige piaffe, à peine contenu par les écuyers pendus aux crins des chevaux ; l’or reluit, les pierreries étincellent aux axes et sur les flancs du char ; les victoires battent des ailes en tendant des couronnes ; les éléphants dressent en l’air leurs trompes comme des clairons, les esclaves portent sur des brancards les dépouillent opimes, les soldats agitent leurs armes et leurs enseignes, et traînent les captifs les bras liés derrière le dos : César revient victorieux de la Germanie ou de l’Orient. Tout est pacifié, l’empire est tranquille. César, César, l’ennemi n’est plus là, tu n’as rien à redouter du Dace ou du Parthe, qui lance son trait en fuyant ; mais n’entends-tu pas que la terre sonne creux sous ton char ? tes roues n’éveillent-elles pas comme un tonnerre profond ? ton empire est miné. L’avenir du monde trésaille des ces noires ténèbres comme le blé dans le sillon aux premières ondées du printemps ; toi le César, l’auguste, le divin, tu vas t’engloutir avec tes dieux, tes maisons d’or et de marbre, tes thermes, tes cirques, tes chars, tes chevaux, tes esclaves et tes courtisanes ; il n’y a plus d’autre pourpre que celle qui sort des blessures du Christ, et le Golgotha est le Capitole.
César, c’est moi qui te le dis, tu n’as qu’à courber ta tête sous l’eau sainte du baptême pour te laver de la tache originelle ; allons, courbe-toi avec Constantin, et reçois en frissonnant sur le porphyre glacé du baptistère la douche