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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

eut recours. Le huitième livre (encore inédit) des Reali est intitulé : la Spagna ; il est tout entier consacré à la grande expédition d’Espagne et à Roncevaux. Suivant M. Gaston Paris (qui n’a pu d’ailleurs étudier que les rubriques de l’œuvre italienne), l’auteur de cette branche des Reali se serait borné d’abord à imiter de fort près la Prise de Pampelune. Mais nous savons en outre que l’auteur de l’Entrée en Espagne, Nicolas de Padoue, avait composé un Roncevaux : c’est fort probablement ce Roncevaux qui est reproduit en substance dans le huitième livre des Reali. Or, si le second poëme de Nicolas de Padoue ressemblait à sa première œuvre, il devait renfermer des fragments considérables de nos poëmes français, ou, pour parler plus exactement, de certains remaniements qui avaient pour base la Chronique de Turpin. Quoi qu’il en soit, il est facile de voir la large place qu’occupe notre épopée nationale, et en parti-

    blement par un ou plusieurs auteurs lombards. Chose singulière, les six premiers, consacrés à des traditions relativement récentes et de médiocre importance, ont eu la plus brillante destinée. Ils furent imprimés dès 1491, à Modène ; puis, en 1496, à Florence ; puis, réimprimés avec fureur dans toutes les villes « typographiques » d’Italie, et notamment onze fois à Venise, oui, à Venise seulement, avant la fin du xvie siècle. Melzi a donné très-exactement le détail de toutes ces éditions. (Bibliografia dei romanzi e poemi cavallereschi italiani. Milan, éditions de 1829, 1838, etc.) Quoi qu’il en soit, il faut considérer les Reali, et en particulier ces six premiers livres, comme l’équivalent de nos remaniements en prose, lesquels, comme on le sait, suivaient d’assez près nos romans en vers. ═ Les six premiers livres des Reali correspondent à nos romans de Floovant, (I, II), Octavien (III), Beuves d’Hantone (IV et V), Berte au grand pied et les Enfances Charlemagne (VI). ═ Jusqu’à l’année 1835, on ne connut des Reali que ce qui précède. Un célèbre historien allemand, M. Ranke, découvrit alors trois livres qui font suite aux précédents, et étaient restés inédits : c’étaient l’Aspramonte, qui répond, en effet, à notre Aspremont ; la Spagna (Entrée en Espagne, Prise de Pampelune, Roncevaux), et la Secunda Spagna (Anseïs de Carthage). ═ Mais là ne se terminait pas la grande compilation en prose italienne du xive siècle. Les six ou sept livres des Nerbonesi la complétaient, et les Nerbonesi représentent notre cycle de Guillaume-au-court-nez (surtout les Enfances Guillaume, le Couronnement Looys, Aliscans et Foulques de Candie). « On regarde ces livres comme perdus, » disait en 1865 M. G. Paris, dans son Histoire poétique de Charlemagne (p. 190). Il se trompait : nous en possédons au moins cinq manuscrits à Florence, que nous avons minutieusement énumérés, décrits et mis à profit pour le troisième volume de nos Épopées françaises (p. 31 et suivantes).