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Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/153

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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

goût auquel son siècle n’était pas accoutumé ; il empêcha les beaux esprits de son temps de se déshabituer tout à fait de notre gloire et du nom de notre héros. Puis, l′érudition française était

    roy des Fées et le premier des Génies de la terre, une troupe de Fées, une troupe de Génies de la terre, etc. » Quant aux « acteurs de la tragédie », ils sont, comme il s’y fallait attendre, empruntés à la poésie italienne. Ce sont : « Angélique, reine de Catay, Temire, Medor (suivant d’un des roys affriquains), Ziliante (prince des Isles Orientales), Roland, une troupe d’Amours, deux Amantes enchantées, une troupe de Sirènes et de Dieux de fleuves, Coridon, Tersandre et des bergers, Logistille (l’une des plus puissantes Fées et celle qui a la sagesse en partage), les Ombres des anciens Héros », et, pour terminer : « la Gloire, la Terreur et la Renommée. » ═ Pour donner une idée de la plus célèbre des œuvres poétiques que le xviie siècle ait consacrées à Roland ; pour montrer de quelle façon Quinault comprenait le moyen âge et surtout l’Arioste, nous allons citer la fin célèbre de cette « tragédie » justement oubliée :

    Acte cinquième. Le théâtre change, et représente le palais de la sage Fée Logistille.....
    SCÈNE TROISIÈME
    Logistille, troupe de Fées, troupes d’ombres de Héros.
    logistille
    Roland, courez aux armes.
    Que la Gloire a de charmes !
    L’amour de ses divins appas,
    Fait vivre au delà du trépas.

    logistille et le chœur des ombres des héros
    Roland, courez aux armes.
    Que la Gloire a de charmes !

    À la voix des Héros, Roland sort de son sommeil et recommence à se servir de sa raison.

    roland
    Quel secours vient me dégager
    De ma fatale flâme ?
    Ciel ! Sans horreur puis-je songer
    Au désordre où l’Amour avoit réduit mon âme !
    Errant, insensé, furieux,
    J’ai fait de ma foiblesse un spectacle odieux ;
    Quel reproche à jamais ne doy-je point me faire ?
    Malheureux ! la Raison m’éclaire,
    Pour offrir ma honte à mes yeux !
    Que survivre à ma gloire est un supplice extrême :
    Infortuné Roland, cherche un antre écarté ;
    Va, s’il se peut, te cacher à toy-même
    Dans l’éternelle obscurité.