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INTRODUCTION

romances étaient un véritable fléau, et l’on y célébrait particulièrement « Roland, l’honneur de la chevalerie ». M. de Baour-Lormian, écrivant un épithalame officiel pour le mariage de Napoléon avec Marie-Louise, ne manquait pas de s’écrier : « Ah ! du Chant de Roland le cirque a retenti[1]. » Le « chant de Roland » : que pouvait bien vouloir dire M. de Lormian-Baour ? Était-ce la « jolie chanson » qu’avait suppléée M. de Tressan, et à laquelle renvoie le Dictionnaire universel de Prudhomme en 1812[2] ? À coup sûr, M. de Roquefort Flaméricourt ne nous éclairera guère sur cette difficulté, lui qui se borne à nous apprendre, dans son État de la poésie française aux XII e et XIIIe siècles[3], que « l’on chantait encore la chanson

    Et retentit de toutes parts ?
    Amis, c’est le cri du dieu Mars,
    Le cri précurseur de la guerre,
    De la gloire et de ses hasards.
    Mourons pour la patrie :
    C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie !

    Voyez-vous ces drapeaux flottants
    Couvrir les plaines, les montagnes ?
    Plus nombreux que les fleurs des champs,
    Voyez-vous ces fiers mécréants
    Se répandre dans nos campagnes
    Pareils à des loups dévorants ?
    Mourons pour la patrie :
    C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie !

    Combien sont-ils ? Combien sont-ils ?
    Quel homme ennemi de sa gloire
    Peut demander : « Combien sont-ils ? »
    Eh ! demande où sont les périls :
    C’est là qu’est aussi la victoire.
    Lâches soldats ! combien sont-ils ?
    Mourons pour la patrie :
    C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie !

    Je suis vainqueur, je suis vainqueur !
    En voyant ma large blessure,
    Amis, pourquoi cette douleur ?
    Le sang qui coule au champ d’honneur,
    Du vrai guerrier : c’est la parure,
    C’est le garant de sa valeur.
    Je meurs pour la patrie :
    C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie !

  1. Les Fêtes de l’hymen, dans le Moniteur du 18 juin 1810.
  2. « À défaut de l’ancienne qui s’est perdue par l’injure du temps. »
  3. Paris, 1815, in-8o.