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INTRODUCTION

hésitation, l’existence du manuscrit d’Oxford. M. Saint-Marc-Girardin en fit le sujet de quatre articles dans le Journal des Débats, qui avait alors une si grande autorité littéraire. Le maître lui-même parla, et le maître alors c’était Raynouard. Dans le Journal des Savants de juillet 1832[1], il étudia l’élément historique de la légende de Roland, et traita la grande question des Cantilènes. Le jeune auteur de la Dissertation, ému de tant de critiques qui étaient en même temps des hommages, s’exécuta de bonne grâce et publia immédiatement quatre pages de Corrections et additions. Comme on le voit, la vie reprenait possession de nos romans oubliés. Un professeur aimé, vif, spirituel, éloquent, vint plaider leur cause en bons termes devant un auditoire d’élite : Fauriel entreprit de débrouiller les origines de notre Épopée. Par malheur, la science n’était pas encore assez avancée pour qu’on pût faire un bon travail d’ensemble. Fauriel fut ingénieux : il entrevit, il devina souvent la vérité ; mais il ne put la voir, la révéler tout entière. Les quelques lignes qu’il donna à Roland dans la deuxième de ses leçons[2], sont de tout point insuffisantes. Mais enfin l’attention publique était en éveil : autour de la légende de Roland, il se faisait un bruit qui ressemblait presque à une popularité nouvelle : on admettait que la France avait possédé jadis des poëmes nombreux, auxquels tout le monde ne refusait plus le nom d’Épopées. Fauriel n’avait point parlé en vain : A. W. Schlegel discuta les idées du brillant professeur dans une série d’articles auxquels un journal politique fit le meilleur accueil[3] ; car la presse quotidienne prenait de plus en plus une part active à cette lutte. Mais le meilleur travail sur la matière était l’œuvre d’un Allemand, à qui nous devons d’ailleurs tant d’excellents livres sur la littérature du Moyen âge. Dès l’année 1833,

  1. No de Juillet 1832.
  2. De l’origine de l’Épopée chevaleresque au Moyen âge, dans la Revue des Deux Mondes, no du 15 septembre 1832.
  3. Étude sur le travail de Fauriel, intitulé : Origine de l’Épopée chevaleresque, par A. W. Schlegel. Journal des Débats, des 22 octobre, 14 novembre, 31 décembre 1833, et 21 janvier 1834.