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INTRODUCTION

n’égale la platitude burlesque de ses vers, qu’il a écrits, hélas ! moins d’après le texte original que d’après la traduction de M. Génin. En voulez-vous un spécimen :


Ganelon part : sous la feuille gentille
D’un olivier peu duisant aux dangers,
En bref délai, du Sarrazin Marsille,
Dans leur attente, il joint les messagers !!!


Tout est de cette force. Il n’est véritablement dans le livre de M. Jonain qu’une page intéressante : c’est la lettre du poëte Mistral, écrivant à notre traducteur que « la Chanson de Roland se chante encore, mais en provençal, dans les Basses et Hautes-Alpes ». Mais, comme on le sait, notre légende avait été plus loin : elle avait franchi les Pyrénées. Un érudit français nous fit alors assister à ses voyages en Espagne, et publia la traduction des principales Romances dont Roland fut le sujet[1]. Sans tant voyager, M. François Saint-Maur visitait pieusement en 1862 le champ de bataille de Roncevaux, et écrivait ses impressions de pèlerinage[2]. De Roncevaux où mourut Roland, à Vienne qui fut le théâtre de ses premiers exploits, la transition est facile. Victor Hugo, dans sa Légende des siècles[3], n’eut pas la har-

  1. Les Vieux Auteurs castillans, par le comte Th. de Puymaigre. Paris, Didier, 1862.
  2. Cinq jours d’un Parisien dans la Navarre Espagnole, par M. François Saint-Maur. Pau, Vignancour, 1862.
  3. V. Le Mariage de Roland (p. 65 de l’édition in-18 de Hachette, en 1862). ═ Cf., p. 71, Aymerillot, où le grand poëte s’est heureusement inspiré du début de notre Aimeri de Narbonne. Il nous y représente Charlemagne arrivant de Roncevaux et pleurant la mort de son neveu. L’imitation est exacte, la note juste :

    Charlemagne, empereur à la barbe fleurie,
    Revient d’Espagne. Il a le cœur triste, il s’écrie :
    Roncevaux ! Roncevaux ! Ô traître Ganelon ! »
    Car son neveu Roland est mort dans ce vallon,
    Avec les douze Pairs et toute son armée...
    Il pleure. L’Empereur pleure de la souffrance
    D’avoir perdu ses preux, ses douze Pairs de France,
    Ses meilleurs chevaliers qui n’étaient jamais las,
    Et son neveu Roland, et la bataille, hélas !