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LA CHANSON DE ROLAND

Et depuis ce jour-là elle fut cent ans déserte.
Le Roi y attend des nouvelles de Ganelon,
Et le tribut d’Espagne, la grande terre.
Or, un matin, à l’aube, quand le jour jette sa première clarté,
Le comte Ganelon arrive au campement.


LIV


L’Empereur s’est levé de grand matin,
A entendu messe et matines,
Puis est venu se placer sur l’herbe verte, devant sa tente.
Roland y fut, avec Olivier le baron,
Et le duc Naimes, et mille autres.
C’est là que vient Ganelon, le félon, le parjure,
Et qu’il prend hypocritement la parole :
« Salut au nom de Dieu, dit-il au Roi.
« Voici les clefs de Saragosse que je vous apporte ;
« Et voilà de grands trésors
« Avec vingt otages : faites-les bien garder.
« Le brave roi Marsile vous mande également
« Qu’il ne le faut point blâmer, si je ne vous amène point le Calife.
« J’ai vu, vu de mes yeux, trois cent mille hommes armés,
« Le haubert au dos, le heaume en tête,
« Et, au côté, l’épée à la poignée niellée d’or,
« Qui se sont embarqués, avec le Calife, sur la mer.
« Ils quittaient le pays de Marsile, à cause de la foi chrétienne
« Qu’ils ne veulent ni recevoir ni garder.
« Mais, avant qu’ils eussent navigué quatre lieues,
« Ils ont été surpris par le vent et la tempête.
« Tous, tous sont noyés, et plus jamais ne les reverrez.
« Si le Calife eût été vivant, je vous l’eusse amené.
« Quant au roi païen, Sire, tenez pour assuré
« Qu’avant ce premier mois passé