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LA CHANSON DE ROLAND


LXI


« Droit Empereur, dit Roland le baron,
« Donnez-moi l’arc que vous tenez au poing.
« À mon escient, on ne me reprochera pas
« Qu’il me tombe des mains comme à Ganelon,
« Quand de sa main droite il reçut le bâton. »
L’Empereur reste là, tête baissée ;
Il tourmente sa barbe et tord ses moustaches ;
Il ne peut s’empêcher de pleurer…


LXII


Naimes ensuite est venu ;
Il n’est point en la cour de meilleur vassal :
« Vous l’avez entendu, dit-il au Roi ;
« Le comte Roland est en grande colère :
« On lui a confié l’arrière-garde ;
« Et certes il n’est pas de baron qui jamais y alla volontiers.
« Donnez-lui l’arc que vous avez tendu,
« Et trouvez-lui bonne aide. »
Le Roi lui donna l’arc, et Roland le reçut.


LXIII


L’Empereur interpelle son neveu Roland :
« Beau sire neveu, le savez-vous vraiment ?
« Je vous veux donner la moitié de mon armée.
« Gardez-la près de vous ; c’est votre salut.
« — Non, dit le comte, non, je n’en ferai rien ;
« Dieu me confonde, si je démens ma race !
« Je garderai seulement vingt mille Français, vingt mille vaillants.