Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
LA CHANSON DE ROLAND

« J’ai dû subir pour vous bien des peines, bien des douleurs :
« J’ai livré pour vous bien des batailles, et j’en ai bien gagné !
« Frapper Roland, voilà toute la récompense que je vous demande.
« Oui, je le tuerai du tranchant de ma lance,
« Si Mahomet me veut aider,
« Et je délivrerai toutes les cités de l’Espagne,
« Depuis ces défilés jusqu’à Durestant.
« Charles sera épuisé, les Français se rendront,
« Et plus n’aurez de guerre en toute votre vie ! »
Le roi Marsile alors lui tend le gant.


LXX


Le neveu de Marsile tient le gant dans son poing,
Et très-fièrement interpelle son oncle :
« C’est un grand don, beau sire roi, que vous venez de me faire.
« Choisissez-moi donc onze de vos barons,
« Et j’irai me mesurer avec les douze Pairs. »
Le premier qui répond à cet appel, c’est Falseron,
Frère du roi Marsile.
« Eh bien ! beau sire, dit-il, nous irons, vous et moi ;
« Tous deux ensemble, nous ferons certainement cette bataille.
« Malheur à l’arrière-garde de la grande armée de Charlemagne !
« Nous la tuerons : c’est dit. »


LXXI


D’autre part est le roi Corsablis.
Il est de Barbarie ; c’est une âme perfide et mauvaise ;
Cependant il parle ici tout comme un bon vassal,
Et pour tout l’or de Dieu ne voudrait être lâche.
Mais voyez-vous venir Malprime de Brigal ?
Il court plus vite à pied que ne fait un cheval,