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LA CHANSON DE ROLAND

Sur les Sarrasins il jette un regard fier,
Mais humble et doux sur les Français ;
Puis, leur a dit un mot courtois :
« Seigneurs barons, allez au petit pas.
« Ces païens, en vérité, viennent ici chercher grand martyre.
« Le beau butin que nous aurons aujourd’hui !
« Aucun roi de France n’en fit jamais d’aussi riche. »
À ces mots, les deux armées se rencontrent.


XCII


« Point n’ai souci de parler, dit alors Olivier.
« Vous n’avez pas daigné sonner de votre cor,
« Et voici que l’aide de Charlemagne vous fait défaut.
« Certes il n’est pas coupable ; car il n’en sait mot, le baron,
« Et ceux qui sont là-bas ne sont point à blâmer.
« Maintenant, chevauchez du mieux que vous pourrez,
« Seigneurs barons, et ne reculez point.
« Au nom de Dieu, ne pensez qu’à deux choses :
« À recevoir et à donner de bons coups.
« Et n’oublions pas la devise de Charles. »
À ce mot, les Français ne poussent qu’un seul cri :
« Montjoie ! » Qui les eût entendus crier de la sorte
Eût eu l’idée du courage.
Puis ils chevauchent, Dieu ! avec quelle fierté !
Pour aller plus rapidement, ils donnent un fort coup d’éperon,
Et (que feraient-ils autre chose ?) se jettent sur l’ennemi.
Mais les Sarrasins n’ont pas peur.
Voilà Français et païens aux prises.