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LA CHANSON DE ROLAND


XCIV


Il y a là un duc du nom de Falseron :
C’est le frère du roi Marsile.
Il tient la terre de Dathan et Abiron,
Et il n’est pas sous le ciel d’homme plus scélérat ni plus félon.
Entre ses deux yeux il a le front énorme,
Et l’on y pourrait mesurer un grand demi-pied.
À la vue de son neveu mort, il est frappé de douleur,
Sort de la foule, se précipite,
Jette le cri des païens
Et, dans sa rage contre les Français :
« C’est aujourd’hui, dit-il, que douce France va perdre son honneur. »
Olivier l’entend, il en a grande colère,
Des deux éperons d’or pique son cheval
Et va frapper Falseron d’un vrai coup de baron.
Il lui brise l’écu, rompt les mailles du haubert,
Lui plonge dans le corps les pans de son gonfanon,
Et, à pleine lance, l’abat mort des arçons.
Alors il regarde à terre, et, y voyant le misérable étendu,
Il lui dit ces très-fières paroles :
« Point n’ai souci, lâche, de vos menaces.
« Frappez, frappez, Français ; nous les vaincrons. »
Puis : « Montjoie ! » s’écrie-t-il. C’est le cri de l’Empereur.


XCV


Il y a là un roi du nom de Corsablis ;
Il est de Barbarie, d’un pays lointain.
Le voilà qui se met à interpeller les autres païens :
« Nous pouvons aisément soutenir la bataille :