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LA CHANSON DE ROLAND

LE COR


CXXIX


Le comte Roland voit la grande perte des siens,
Et parle ainsi à son compagnon Olivier :
« Beau sire, cher compagnon, au nom de Dieu que je prie de vous bénir,
« Voyez tous ces bons vassaux qui gisent à terre…
« Certes nous pouvons plaindre douce France la belle,
« Qui va demeurer veuve de tels barons.
« Eh ! Roi, notre ami, que n’êtes-vous ici ?
« Mon frère Olivier, comment pourrons-nous faire
« Pour lui mander de nos nouvelles ?
« — Je n’en sais pas le moyen, répond Olivier.
« Mais plutôt la mort que le déshonneur ! »


CXXX


« — Je vais, dit Roland, sonner mon cor,
« Et Charles l’entendra, Charles qui passe aux défilés.
« Les Français, je vous jure, vont retourner sur leurs pas.
« — Ce serait grande honte, répond Olivier.
« Tous vos parents auraient à en rougir ;
« Et ce déshonneur serait sur eux toute leur vie.
« Lorsque je vous le conseillai, vous n’en voulûtes rien faire ;
« Mais ce n’est pas moi qui vous approuverai maintenant.
« Sonner de votre cor, non, ce n’est pas d’un brave.
« Puis, vous avez déjà vos deux bras tout sanglants.
« — C’est vrai, répond Roland ; j’ai donné de fiers coups ! »