Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
LA CHANSON DE ROLAND


CLVII


Il se bat noblement, le comte Roland !
Il a tout le corps en sueur et en feu ;
Mais surtout quel mal, quelle douleur dans la tête !
D’avoir sonné son cor sa tempe est tout ouverte ;
Toutefois il voudrait bien savoir si Charles viendra.
De nouveau il prend son cor et en tire un son, bien faible, hélas !
L’Empereur, là-bas, s’arrêta et l’entendit :
« Seigneurs, dit-il, tout va mal pour nous,
« Et mon neveu Roland va nous manquer aujourd’hui.
« Aux sons de son cor, je vois bien qu’il n’a plus longtemps à vivre ;
« Si vous désirez arriver à temps, pressez vos chevaux.
« Tout ce qu’il y a de trompettes dans l’armée, qu’on les sonne ! »
Alors on sonna soixante mille trompettes, et si haut
Que les monts en retentissent et que les vallées y répondent.
Les païens les entendent, ils n’ont garde de rire.
« C’est Charles qui arrive, disent-ils l’un à l’autre, c’est Charles ! »


CLVIII


« L’Empereur, s’écrient les païens, l’Empereur revient sur ses pas,
« Et ce sont bien les trompettes françaises que nous entendons.
« Si Charles arrive, quel désastre pour nous !
« Si Roland survit, c’est toute notre guerre qui recommence,
« Et nous y perdrons l’Espagne, notre terre. »
Alors quatre cents d’entre eux se rassemblent, bien couverts de leurs heaumes :
Ce sont les meilleurs qu’il y ait dans toute l’armée païenne.
Et voici qu’ils livrent à Roland un affreux, un horrible assaut.
Ah ! le comte a vraiment assez de besogne.