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LA CHANSON DE ROLAND


CLIX


Quand le comte Roland les voit venir,
Il se fait tout fier, se sent plus fort : il est prêt.
Tant qu’il aura de la vie, il ne reculera point.
Il monte son cheval Veillantif :
De ses éperons d’or fin il le pique,
Et, au plus fort de la mêlée, court attaquer les païens.
L’archevêque Turpin y va avec lui.
Et les Sarrasins : « Fuyez, amis, fuyez, disent-ils l’un à l’autre ;
« Car nous avons entendu les trompettes de France.
« Il revient, le roi puissant ! Charles arrive ! »


CLX


Jamais le comte Roland n’aima les lâches,
Ni les orgueilleux, ni les méchants,
Ni les chevaliers qui ne sont pas bons vassaux.
Il s’adresse alors à l’archevêque Turpin :
« Sire, lui dit-il, vous êtes à pied, et moi à cheval.
« Par amour pour vous, je veux faire halte.
« Nous partagerons ensemble le bien et le mal,
« Et, pour aucun homme du monde, je ne vous abandonnerai.
« Tous les deux nous rendrons aux païens leur assaut :
« Les meilleurs coups sont ceux de Durendal !
« — Honte à qui ne frappe pas de son mieux, dit l’Archevêque.
« Charles arrive, et nous vengera. »


CLXI


« Nous sommes nés pour notre malheur, disent les païens.
« Et ce jour s’est levé pour nous bien funeste !