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LA CHANSON DE ROLAND

Il court se jeter sous un pin ;
Sur l’herbe verte il se couche face contre terre ;
Il met sous lui son olifant et son épée,
Et se tourne la tête du côté des païens.
Et pourquoi le fait-il ? Ah ! c’est qu’il veut
Faire dire à Charlemagne et à toute l’armée des Francs,
Le noble comte, qu’il est mort en conquérant.
Il bat sa coulpe, il répète son Mea culpa.
Pour ses péchés, au ciel il tend son gant...


CLXXVI


Roland sent bien que son temps est fini.
Il est là au sommet d’un pic qui regarde l’Espagne ;
D’une main il frappe sa poitrine :
« Mea culpa, mon Dieu, et pardon au nom de ta puissance,
« Pour mes péchés, pour les petits et pour les grands,
« Pour tous ceux que j’ai faits depuis l’heure de ma naissance
« Jusqu’à ce jour où je suis parvenu. »
Il tend à Dieu le gant de sa main droite,
Et voici que les Anges du ciel s’abattent près de lui.


CLXXVII


Il est là gisant sous un pin, le comte Roland ;
Il a voulu se tourner du côté de l’Espagne.
Il se prit alors à se souvenir de plusieurs choses :
De tous les royaumes qu’il a conquis,
Et de douce France, et des gens de sa famille,
Et de Charlemagne, son seigneur qui l’a nourri ;
Il ne peut s’empêcher d’en pleurer et de soupirer.
Mais il ne veut pas se mettre lui-même en oubli,
Et, de nouveau, réclame le pardon de Dieu :