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LA CHANSON DE ROLAND

Ils traversent dix portes et quatre ponts,
Et toutes les rues où se tiennent les bourgeois.
Comme ils approchent du haut de la ville,
Ils entendent un grand bruit du côté du palais.
C’est une foule de païens
Qui pleurent, qui crient, qui se livrent à une grande douleur,
Qui se plaignent de leurs dieux, Tervagan, Mahomet,
Et de cet Apollon dont ils n’ont rien reçu.
« Malheureux ! disent-ils, que deviendrons-nous ?
« La honte et le malheur sont tombés sur nous ;
« Nous avons perdu le roi Marsile,
« Dont le comte Roland a coupé le poing droit.
« Jurfaleu le blond n’est plus ;
« Toute l’Espagne va tomber en leurs mains. »
Sur ce, les deux messagers descendent au perron.


CXCVI


Les messagers laissent leurs chevaux à l’ombre d’un olivier,
Et deux Sarrasins les prennent par les rênes.
Puis, tous les deux, se tenant par leurs manteaux,
Sont montés au plus haut du palais.
Comme ils entrent dans la chambre voûtée,
Ils font par bon amour un salut au roi Marsile :
« Que Mahomet qui nous tient en son pouvoir,
« Que Tervagan et notre seigneur Apollon
« Sauvent le Roi et gardent la Reine !
« — Quelle folie dites-vous là ? s’écrie Bramimonde ;
« Nos dieux ne sont que des lâches,
« Et n’ont fait à Roncevaux que mauvaise besogne.
« Ils y ont laissé mourir tous nos chevaliers
« Et ont abandonné, en pleine bataille, mon propre seigneur ;
« Marsile a perdu son poing droit qui manque à son bras,