L’Empereur revient de sa pâmoison.
Le duc Naimes, le comte Acelin,
Geoffroi d’Anjou et Henri, frère de Geoffroi,
Prennent le Roi, le dressent contre un pin.
Il regarde à terre, il y voit le corps de son neveu,
Et si doucement se prend à le regretter :
« Ami Roland, que Dieu te prenne en pitié !
« Jamais nul homme ne vit ici-bas pareil chevalier
« Pour ordonner, pour achever si grandes batailles.
« Ah ! mon honneur tourne à déclin. »
Et l’Empereur se pâme ; il ne peut s’en empêcher...
Le roi Charles revient de sa pâmoison ;
Quatre de ses barons le tiennent par les mains.
Il regarde à terre, il y voit le corps de son neveu :
Roland a perdu toutes ses couleurs, mais il a encore l’air gaillard ;
Ses yeux sont retournés et tout remplis de ténèbres :
Et voici que Charles se met à le plaindre, en toute reconnaissance, en tout amour :
« Ami Roland, que Dieu mette ton âme en saintes fleurs
« Au Paradis, parmi ses glorieux !
« Pourquoi faut-il que tu sois venu en Espagne ?
« Jamais plus je ne serai un seul jour sans souffrir à cause de toi.
« Et ma puissance, et ma joie, comme elles vont tomber maintenant !
« Qui sera le soutien de mon royaume ? Personne.
« Où sont mes amis sous le ciel ? Je n’en ai plus un seul.
« Mes parents ? Il n’en est pas un de sa valeur. »
Charles s’arrache à deux mains les cheveux,