Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xlvj
INTRODUCTION

nul n’est plus précieux à ce point de vue que le manuscrit de Paris. On n’y trouve pas seulement quelques vers du texte original, dispersés çà et là et facilement reconnaissables ; mais des couplets entiers et en grand nombre (quinze laisses masculines et vingt-trois féminines). Versailles en renferme également quelques-unes, mais en bien moins grande quantité : et l’on n’en trouverait ni dans le second manuscrit de Venise, ni dans celui de Lyon. Voilà véritablement l’ordre d’importance dans lequel il faut classer nos Remaniements. Paris tient la tête, et souvent même il est plus précieux que le plus ancien texte de Venise...

Revenons à notre manuscrit de la Bodléienne ; car nous n’avons guère parlé des autres que pour lui faire honneur.

Par quelles circonstances ce manuscrit se trouve-t-il aujourd’hui en Angleterre ? N’y aurait-il pas toujours été ? Ce qu’il y a de certain, c’est que, d’après le témoignage de Tyrwhitt, il se trouvait, dès le siècle dernier, à la Bodléienne d’Oxford sous le no  1624. Il y est encore aujourd’hui, mais dans le fonds Digby, où il porte le no  23. Nous l’avons tenu longtemps entre nos mains, et, s’il faut tout dire, nous avons été singulièrement ému en l’ouvrant pour la première fois. Quelle que soit l’imperfection de ce texte, la France ne devrait reculer devant aucun sacrifice pour acquérir cet incomparable monument de sa gloire littéraire. La place de ce monument est à notre Bibliothèque nationale : il y viendra.

En attendant que le « texte d’Oxford » devienne ainsi le « texte de Paris », nous offrons à nos lecteurs un de ses feuillets très-exactement reproduit par la photographie. On jugera par là de sa physionomie générale, et les paléographes discuteront la date de son écriture.

Et tel est le portrait matériel de notre vieille Chanson. Il faut en venir à son âme.