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LA CHANSON DE ROLAND

À moins que les Arabes ne reculent devant cette rencontre,
Si seulement ils engagent le combat, Lorrains et Bourguignons leur donneront de fiers coups.
Leur chef est Thierry, le duc d’Argonne.


CCXXVIII


Les barons de France forment la dixième colonne.
Ils sont cent mille, de nos meilleurs capitaines ;
Ils ont le corps gaillard et fière la contenance,
La tête fleurie et la barbe toute blanche.
Ils ont revêtu leurs doubles broignes et leurs hauberts,
Ils ont ceint leurs épées de France ou d’Espagne ;
Sur leurs écus sont mille signes divers qui les font reconnaître.
Ils montent à cheval : « La bataille ! la bataille ! » s’écrient-ils :
Puis : « Montjoie ! » Charlemagne est avec eux.
Geoffroi d’Anjou porte l’oriflamme,
Qui jusque-là avait nom Romaine, parce qu’elle était l’enseigne de Saint-Pierre ;
Mais alors même elle prit le nom de Montjoie.


CCXXIX


L’Empereur descend de son cheval
Et se prosterne sur l’herbe verte ;
Puis, tournant ses yeux vers le soleil levant,
Il adresse, du fond de son coeur, une prière à Dieu :
« Ô vrai Père, sois aujourd’hui ma défense.
« C’est toi qui as sauvé Jonas
« De la baleine qui l’avait englouti ;
« C’est toi qui as épargné le roi de Ninive ;
« C’est toi qui as délivré Daniel d’un horrible supplice,
« Quand on l’eut jeté dans la fosse aux lions ;