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LA CHANSON DE ROLAND

Il paraît aussi blanc que fleur d’été ;
Quant au courage, il en a donné mille preuves.
Dieu ! s’il était chrétien, quel baron !
Il pique son cheval, et le sang sort tout clair des flancs de la bête ;
Il fait un temps de galop, et saute par-dessus un fossé
Qui peut mesurer cinquante pieds :
« Voilà, s’écrient les païens, voilà celui qui saura défendre notre terre.
« Le Français qui voudra jouter avec lui,
« Bon gré, mal gré, y laissera sa vie.
« Charles est fou de ne pas fuir un tel homme ! »


CCXXXIII


L’Émir a tout l’air d’un vrai baron.
Sa barbe est aussi blanche qu’une fleur ;
D’ailleurs c’est, parmi les païens, un homme sage
Et qui, dans la bataille, est fier et terrible.
Son fils Malprime aussi est très-chevaleresque ;
Il est grand, il est fort, il est digne de sa race :
« En avant, Sire, dit-il à son père, en avant !
« Je me demande si nous allons voir Charles.
« — Oui, répond Baligant, car c’est un vaillant ;
« Dans mainte histoire on parle de lui avec grand honneur ;
« Mais il n’a plus son neveu Roland,
« Et ne pourra tenir pied devant nous. »


CCXXXIV


« Beau fils Malprime, dit Baligant,
« Roland le bon vassal est mort hier,
« Avec Olivier le preux et le vaillant,
« Avec les douze Pairs qui étaient tant aimés de Charles,
« Et vingt mille combattants de France.