Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/485

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
LA CHANSON DE ROLAND


CCXL


L’Émir (un très-riche et très-puissant homme)
A fait devant lui porter le dragon qui lui sert d’enseigne,
Avec l’étendard de Tervagan et de Mahomet,
Et une idole d’Apollon, ce méchant dieu.
Dix Canelieux chevauchent alentour,
Et s’écrient d’une voix très-haute :
« Que ceux qui veulent être préservés par nos dieux
« Les prient en ce moment en toute componction. »
Païens alors de baisser la tête et le menton,
Et d’incliner jusqu’à terre leurs heaumes clairs :
« Misérables, leur crient les Français, voici l’heure de votre mort !
« Puissions-nous aujourd’hui vous voir honteusement vaincus !
« Et toi, ô notre Dieu, préserve Charlemagne,
« Et que cette bataille soit une victoire pour notre empereur ! »


CCXLI


L’Émir est un homme de grand savoir ;
Il appelle son fils et les deux rois :
« Seigneurs barons, votre place est sur le front de l’armée,
« Et c’est vous qui conduirez toutes mes colonnes ;
« Je n’en garde avec moi que trois, mais des meilleures ;
« L’une composée de Turcs, l’autre d’Ormaleus,
« La troisième des géants de Malprose.
« Les gens d’Occiant m’accompagneront aussi,
« Et je les mettrai aux prises avec Charles et les Français.
« Si l’Empereur veut lutter avec moi,
« Il aura la tête séparée du buste :
« C’est là, il peut en être certain, tout ce qu’il est en droit d’attendre. »