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LA CHANSON DE ROLAND


CCXLV


Le jour fut clair, et brillant fut le soleil.
Les deux armées sont belles à voir, et leurs bataillons sont immenses.
Mais déjà les premières colonnes sont aux prises.
Le comte Rabel et le comte Guinemant
Ont lâché les rênes à leurs rapides destriers,
Et donnent vivement de l’éperon. Tous les Français se lancent au galop,
Et de leurs épieux tranchants commencent à donner de grands coups.


CCXLVI


C’est un vaillant chevalier que le comte Rabel.
Des éperons d’or fin il pique son cheval,
Et va frapper Torleu, le roi de Perse ;
Pas d’écu, pas de cuirasse qui puisse résister à un tel coup.
Le fer doré est entré dans le corps du roi païen,
Et Rabel l’abat roide mort sur des broussailles.
« Dieu nous aide ! crient les Français ;
« Nous ne devons pas faire défaut à Charles : le droit est pour lui. »


CCXLVII


Guinemant, de son côté, joute avec le roi de Lithuanie ;
Le bouclier du païen, orné de fleurs peintes, est en pièces,
Son haubert est en lambeaux,
Et le gonfanon de Guinemant lui est tout entier entré dans le corps.
Qui qu’en pleure ou en rie, le Français l’abat mort.
Témoins de ce beau coup, tous les Français s’écrient :
« Pas de retard, barons, frappez, frappez !