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LA CHANSON DE ROLAND


CCLIV


Dieu ! dans quelle angoisse est le duc Naimes !
Le païen va se hâter de le frapper encore ;
Mais voici Charles qui lui dit : « Misérable, ce coup te portera malheur ! »
Et très-intrépidement le Roi s’élance sur le Sarrasin ;
Il brise l’écu, le fracasse à l’endroit du cœur,
Lui rompt la ventaille du haubert,
Et l’abat roide mort. La selle reste vide.


CCLV


Grande fut la douleur du roi Charlemagne,
Quand il vit le duc Naimes blessé là, devant lui,
Quand il vit courir le sang clair sur l’herbe verte.
Alors il lui a donné un bon conseil :
« Beau sire Naimes, chevauchez tout près de moi ;
« Quant au misérable qui vous a mis en cette détresse, il est mort ;
« Je lui ai mis mon épieu dans le corps.
« — Je vous crois, Sire, répond le duc,
« Et si je vis, vous serez bien payé d’un tel service. »
Lors ils vont l’un près de l’autre par amour et par foi.
Vingt mille Français marchent avec eux,
Qui tous donnent de fiers coups et se battent rudement.


CCLVI


À travers toute la bataille chevauche l’Émir :
Il se jette sur le comte Guinemant ;
Il lui fracasse l’écu blanc tout près du cœur,
Met en pièces les pans du haubert,