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LA CHANSON DE ROLAND

« Eh bien ! je veux faire plus, je vous élèverai d’autres statues, tout en or fin,
« Si vous me secourez contre Charles. »
En ce moment Gémalfin, un ami de l’Émir, se présente à ses yeux ;
Il lui apporte de mauvaises nouvelles, et lui dit :
« La journée est mauvaise pour vous, sire Baligant !
« Vous avez perdu Malprime, votre fils,
« Et l’on vous a tué Canabeus, votre frère.
« Deux Français ont eu l’heur de les vaincre ;
« L’un d’eux, je pense, est l’Empereur :
« Il a le corps énorme et tout l’air d’un marquis.
« Sa barbe est blanche comme fleur en avril. »
L’Émir alors baisse son heaume,
Et laisse tomber sa tête sur sa poitrine ;
Sa douleur est si grande, qu’il pense mourir sur l’heure...
Il appelle Jangleu d’outre-mer.


CCLIX


« Avancez, Jangleu, dit l’Émir.
« Vous êtes preux, vous êtes de grand savoir,
« Et j’ai toujours suivi votre conseil.
« Eh bien ! que vous semble des Arabes et des Français ?
« Aurons-nous ou non la victoire ?
« — Baligant, répond Jangleu, vous êtes mort.
« N’espérez point de salut dans vos dieux :
« Charles est fier, vaillants sont ses hommes,
« Et jamais je ne vis de race mieux faite pour la bataille.
« Cependant appelez vos chevaliers d’Occiant ;
« Mettez en ligne Turcs et Enfrons, Arabes et Géants,
« Et faites sans retard ce qu’il faut faire. »