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LA CHANSON DE ROLAND


CCLX


L’Émir a étalé sa barbe sur sa cuirasse,
Sa barbe aussi blanche que fleur d’aubépine.
Quoi qu’il lui arrive, il ne se veut point cacher.
Il met à sa bouche une trompette claire,
Et clairement la sonne si bien, que ses païens l’entendent.
Alors sur le champ de bataille ses bataillons se rallient,
Et ceux d’Occiant de hennir et de braire.
Et ceux d’Argoilles, d’aboyer et de glapir comme des chiens ;
Puis, comme des fous furieux, ils cherchent les Français,
Se jettent au plus épais, rompent et coupent en deux l’armée de Charles,
Et du coup jettent à terre sept mille morts.


CCLXI


Le comte Ogier ne sait pas ce que c’est que la couardise :
Jamais meilleur soldat ne vêtit la cuirasse.
Quand il voit les colonnes françaises rompues et coupées,
Il appelle Thierry, le duc d’Argonne,
Geoffroi d’Anjou et le comte Jozeran,
Et adresse à Charles ce fier discours :
« Voyez comme les païens vous tuent vos hommes.
« À Dieu ne plaise que vous portiez encore couronne au front,
« Si vous ne frappez de bons coups pour venger votre honte ! »
Personne ne répond un mot, personne ;
Mais tous donnent avec fureur de l’éperon, et lâchent les rênes à leurs chevaux.
Partout où ils rencontrent les païens, ils vont les frapper...