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LA CHANSON DE ROLAND

Quant aux païens, ils s’enfuient : Dieu ne veut pas qu’ils restent davantage,
Et les Français enfin ont ce qu’ils demandent.


CCLXVIII


Dieu le veut, les païens s’enfuient ;
L’Empereur et les Francs leur donnent la chasse :
« Vengez-vous, s’écrie le Roi, vengez toutes vos souffrances ;
« Satisfaites vos désirs, soulagez vos cœurs ;
« Car ce matin je vous ai vus pleurer de vos yeux. »
Et les Francs de lui répondre : « Il le faut, il le faut ! »
Et chacun de frapper les plus grands coups qu’il peut.
Ah ! des païens qui furent là, il s’en échappa bien peu.


CCLXIX


La chaleur est grande, la poussière s’élève ;
Les païens sont en fuite, et les Français sont là, sur leurs pas, qui les pressent angoisseusement ;
Jusqu’à Saragosse dure cette poursuite.
Au haut de sa tour est montée Bramimonde,
Avec ses chanoines et ses clercs,
Ceux de la loi mauvaise et que Dieu n’aime point,
Ceux qu’un sacrement n’a pas ordonnés, et qui ne portent pas la tonsure sur leurs têtes.
Et, quand la Reine aperçoit la déroute des païens :
« À l’aide, Mahomet ! s’écrie-t-elle d’une voix perçante.
« Ah ! noble roi, nos hommes sont vaincus ;
« L’Émir est mort honteusement. »
Marsile l’entend, se tourne vers le mur,
Se cache le visage et pleure de ses yeux,
Puis meurt de douleur. Et, comme il est sous le poids du péché,
Les diables vivants s’emparent de son âme.