Page:Gautier - La Chanson de Roland - 1.djvu/531

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
LA CHANSON DE ROLAND


CCLXXVII


« Seigneurs barons, dit le roi Charlemagne,
« Jugez-moi Ganelon selon le droit.
« Il vint dans mon armée, avec moi, jusqu’en Espagne.
« Il m’a ravi vingt mille de mes Français ;
« Il m’a ravi mon neveu, que plus jamais vous ne verrez ;
« Et Olivier, le preux et le courtois.
« Pour de l’argent, enfin, il a trahi les douze Pairs.
« — C’est vrai, s’écrie Ganelon, et maudit sois-je si je le nie !
« D’or et d’argent Roland m’avait fait tort ;
« C’est pourquoi j’ai voulu sa mort et combiné sa perte ;
« Mais de la trahison il n’y en a point.
« — Nous en tiendrons conseil, » répondent les Français.


CCLXXVIII


Il est là, Ganelon, debout devant le Roi ;
Il a le corps gaillard, le visage fraîchement coloré.
S’il était loyal, il aurait tout à fait la mine d’un baron.
Il jette les yeux autour de lui, voit les Français et tous ses juges,
Et trente de ses parents qui sont avec lui :
Alors il élève la voix et s’écrie :
« Pour l’amour de Dieu, entendez-moi, barons.
« Donc j’étais à l’armée de l’Empereur,
« Avec amour et foi je le servais,
« Lorsque son neveu Roland me prit en haine,
« Et me condamna à mort, à une mort très-douloureuse.
« Oui, je fus envoyé comme messager au roi Marsile,
« Et si j’échappai, ce fut grâce à mon adresse.
« Alors je défiai Roland le brave,
« Je défiai Olivier et tous leurs compagnons.