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NOTES ET VARIANTES, VERS 706

═ Je suis donc fort disposé à admettre que Cordres, dans l’idée de notre poëte, est près des Pyrénées. Mais j’ajouterai que, dans son esprit, il s’agissait d’une très-grande ville ; — qu’il avait vaguement entendu parler de Cordoue, boulevard important de la puissance musulmane ; — et que, par une ignorance dont on trouve bien des preuves dans nos vieux poëmes, il place bravement cette grande ville non loin de Saragosse. ═ Tout au contraire, dans le roman du Cycle de Guillaume que nous avons découvert et intitulé la Prise de Cordres, c’est bien de Cordoue qu’il s’agit. ═ Quoi qu’il en soit, nous avons, dans cette traduction, traduit ce mot par « Cordres » pour mieux respecter notre texte. ═ Formulons en deux mots notre conclusion : « Au début de la Chanson de Roland, deux points topographiques sont mis en lumière : Saragosse, dernier refuge du roi Marsile ; Cordres, dernière conquête de Charlemagne, que je placerais à quinze ou vingt lieues de Saragosse au N.-O., ville imaginaire sans doute et née du souvenir de la véritable Cordoue. »

II. Itinéraire de Charles depuis Cordres jusqu’aux Pyrénées : Galne. Charlemagne n’attend pas à Cordres le retour de Ganelon, son messager près de Marsile. Il se met en route vers la France, il aproismet son repaire. (V. 661.) Il arrive sur les ruines de Galne, que Roland a jadis détruite et qui, depuis cet exploit, fut cent ans déserte. (V. 662-664.) C’est là que Charles attend Ganelon et le tribut promis par Marsile (V. 665-666.) Il nous paraît impossible de déterminer la situation de Galne, et nous y avons épuisé nos efforts. ═ Charles cependant ne tarde pas, après avoir vu Ganelon, à quitter Galne. (V. 701 : Franc desherbergent.) Il reprend la route de France (v. 702 : Vers dulce France tuit sunt achiminez), et fait une journée de marche. Puis, les Français se reposent, ils campent dans un lieu innommé (v. 709 : Franc se herbergent par tute la cuntrée), et c’est là que l’Empereur a ses rêves lugubres (v. 718-736) qui lui donnent le pressentiment de Roncevaux. Le lendemain matin, en s’éveillant, Charles montre à ses barons les défilés qu’ils ont à traverser. (Veez la porz et les destreiz passages, 741.) Donc, ils sont au pied des Pyrénées ; donc, il ne leur a fallu qu’un jour de marche pour aller de Galne aux Pyrénées ; donc, Galne serait, tout au plus, à une quinzaine de lieues S.-E. du pied des Pyrénées. ═ Or, nous avons déjà placé Cordres à quinze ou vingt lieues N.-O. de Saragosse. Il ne reste plus à préciser que la distance entre Galne et Cordres. Elle doit être peu considérable : car de Saragosse à Roncevaux il n’y a guère, en totalité, que trente ou trente-cinq lieues.

III. Le désastre de Roncevaux a eu lieu dans la Navarre et non dans la Cerdagne. La question a été soulevée par M. d’Avril dans