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NOTES ET VARIANTES, VERS 994

ad en ses piez fermez. (Vers 343 et 3863.) Ils sont toujours « d’or pur », c’est-à-dire, en bon français, dorés » : Sun cheval brochet des esperuns d’or mer (vers 1606) ; d’or fin. (Vers 3353.) — Les éperons sont pointus (V. les fig. 2, 3, 4, 7) et non pas à molettes : Brochent le bien des aguz esperuns. (Vers 1530.)

═ Après le chevalier, il est très-juste de parler ici du cheval. — Le cheval est l’ami du chevalier ; mais cette affection ne se fait pas jour dans la Chanson de Roland. En revanche, dans Ogier le Danois, poëme un peu postérieur et dont la légende est à peu près aussi ancienne, cette amitié trouve son expression. Quand le héros, après de longues années de captivité, demande à revoir son bon cheval Broiefort, on parvient à le lui retrouver, mais épuisé, pelé, la queue coupée : « Ogier le voit, de joie a soupiré. Il le caresse sur les deux flancs : « Ah ! Broiefort, dit Ogier, quand j’étais sur vous, j’étais, Dieu me pardonne, aussi tranquille que si j’eusse été enfermé dans une tour. » Le bon cheval l’entend ; il avise tout de suite son bon seigneur qu’il n’a pas vu depuis sept ans passés, hennit, gratte le sol du pied, puis se couche et s’étend par terre devant Ogier, par grande humilité. Le duc le voit, il en a grand’pitié. S’il n’eût pleuré, le cœur lui eût crevé. » (Vers 10688 et suivants). Et dans Aliscans, Guillaume ne parle pas moins tendrement à son cheval Baucent : « Cheval, vous êtes bien las. Je vous remercie, mon cheval, et vous rends grâces de vos services. Si je pouvais arriver dans Orange, je voudrais qu’on ne vous démontât point ; vous ne mangeriez que de l’orge vanné, vous ne boiriez qu’en des vases dorés. On vous parerait quatre fois par jour, et quatre fois on vous envelopperait de riches couvertes. » (B. N., 753, f° 212.) Et Renaus de Montauban s’écrie dans les Quatre fils Aymon : « Si je te tue, Bayard, puissé-je n’avoir jamais santé ! Non, non : au nom de Dieu qui a formé le monde, je mangerais plutôt le plus jeune de mes frères. » (B. N. 7183, f° 76.) Le héros qui a donné son nom à Aubri le Bourgoing regrette son cheval avec les mêmes larmes : Ah ! Blanchart, tant vous aveie chier. — Por ceste dame ai perdu mon destrier. (B. N., 7227, f° 173.) D’ailleurs, le cheval rend bien cette affection au chevalier. Bayard, dans Renaus de Montauban : S’a veü son seigneur Renaut, le fil Aimon. — Il le conust plus tost que feme son baron, etc. etc. Lav., 39, f° 22.) Étant donnée cette affection réciproque, il est à peine utile d’ajouter, d’après les textes précédents, que le cheval a un nom. C’est Veillantif (Chanson de Roland, vers 2160), Tencendur (vers 2993), Tachebrun. (Vers 347.) C’est Saut-perdu, Marmorie, Passe-Cerf, Sorel, etc. Du reste, si l’on veut avoir le « portrait en pied » d’un cheval, si l’on veut connaître l’idéal que s’en faisaient nos pères, il faut lire les vers 1651 et suivants : « Pieds copiez, jambes plates, courte