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NOTES ET VARIANTES, VERS 13-15

de blond. C’est M. Génin qui a le plus vivement soutenu la première opinion (Roland, p. 340 et suiv.) ; c’est M. E. Gachet qui a le plus longuement motivé la seconde. (Glossaire du Chevalier au Cygne, pp. 626, 627.) Les arguments de M. Génin nous paraissent difficilement réfutables.

Perrun nous paraît signifier un large bloc de marbre plutôt qu’un « perron » dans le sens actuel de ce mot.

Vers 13.Lui. Dans tout le texte d’Oxford, il y a entre li et lui une distinction précise. Li n’est jamais employé que dans le sens strict du datif latin illi. Lui, au contraire, est employé : 1° comme régime direct : Mais lui meïsme ne volt metre en ubli (v. 2382) ; Lui e altrui travaillent e cunfundent (v. 380) ; Se lui lessez (v. 279) ; Pur lui afiancer (v. 41), etc. 2° Comme régime indirect : Aiez merci de lui (v. 239), etc. 3° Avec toutes les prépositions : L’anme de lui (v. 1510) ; pur lui (v. 842) ; vers lui (v. 958) ; en lui meïsme (v. 1036) ; devant lui (v. 4) ; entur lui (v. 2090) ; envirun lui (v. 13) ; encuntre lui (v. 376).

Milie. — Milie vient de millia ; mil vient de mille. ═ On dit mil pour un seul millier ; milie pour plusieurs. ═ Mil a, de plus, un sens indéterminé : En la grant presse mil colps i fiert e plus (v. 2090). D’une part, nous trouvons : Mil chevalers (v. 2442) ; mil Sarrazins (v. 2071) ; mil hosturs (v. 31), etc. ; et de l’autre : IIII.C. milie en ajustet (v. 851) ; XX milie Francs (v. 789), etc. ═ Milie s’emploie en outre substantivement : XV. milies de Francs (v. 3019), etc.

Vers 15.Seignurs. La « Théorie du vocatif » est assez difficile à établir d’après le texte d’Oxford. Il y avait évidemment confusion dans l’esprit de notre scribe et dans les idées de son temps. Tantôt le vocatif est admis à suivre la règle du cas sujet, tantôt celle du cas régime, et cela tour à tour et pour les mêmes mots. Ainsi l’on trouve à côté des formes-régimes : Ami, rei, Marsilie, Tierri, Pinabel, etc., les formes-sujets : Amis, reis, Deus, gentilz, amiralz, dreiz, chers, cumpainz, etc. Même anomalie au pluriel. À côté des formes-régimes : Seignurs, baruns, etc., on trouve les formes-sujets : Paien, chevaler, Franc, etc. Le même désordre, d’ailleurs, règne dans tous les textes du moyen âge, à tel point que M. Barstch a pu dire, dans la Grammaire qui suit sa Chrestomathie de l’ancien français : « Le vocatif singulier de la 2e déclinaison romane tantôt a, tantôt n’a pas d’s. » (P. 479.) Il importait toutefois, pour dresser notre texte, d’en arriver à une loi plus précise. Or, d’après la grande majorité des exemples fournis par notre manuscrit d’Oxford, il est certain qu’ici comme ailleurs, le scribe et son temps se réglaient vaguement sur l’orthographe latine. Quand le vocatif latin n’a pas d’s, en général (je dis, en général, et non