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NOTES ET VARIANTES, VERS 3735

ciens Germains, I, 161), étaient pour toutes les classes, et le nombre en pouvait monter jusqu’à trois cents. Dans la règle, ils étaient administrés publiquement au coupable, qui avait été préalablement attaché et étendu sur un chevalet. » Ce que cet érudit avance ici au sujet des Wisigoths peut s’entendre de tous les autres peuples germains. Le même supplice se retrouve dans la loi des Bavarois (liv. VIII, ch. vi, etc., et l’on se servait de fléaux pour administrer ce châtiment), chez les Bourguignons (30 et 33, 2 ; 4, 4 ; 5, 6, 38, 63, etc., et ils se servaient du bâton), chez les Franks-Saliens (Constitution de Childebert, Davoud-Oglou, loc. cit. I, 580), chez les Lombards (Liutp., 6, 26, c ; 6, 88 ; 6, 50), chez les Frisons (3, 7). Nous ferons seulement remarquer que, dans notre Chanson, Ganelon est châtié, de même qu’il est, emprisonné, préventivement. N’y a-t-il pas encore un travail à faire sur la législation barbare, un travail que l’on pourrait intituler : De la Pénalité préventive chez les Germains ?

« À peine Ganelon a-t-il été détaché tout sanglant du pilori, de l’estache, que Charlemagne convoque son plaid : « Il est écrit dans l’ancienne geste — que Charlemagne mande ses hommes de plusieurs terres : — alors commence le plaid... » (Vers 3742 et suiv.) Personne n’aura de peine à reconnaître ici le Placitum Palatii, qui s’était sensiblement modifié à travers les âges, mais dont les plaids féodaux donnaient encore une certaine idée aux gens des xie et xiie siècles. Dans le plaid de la première et de la seconde race, le roi ou l’Empereur était assisté par les leudes et les évêques ; dans notre poëme il est assisté par ses comtes et ses ducs au nombre d’environ quarante. Il ne semble pas que les évêques aient pris part au procès de Ganelon ; mais toutes les parties de l’Empire sont, d’ailleurs, représentées au plaid impérial, et, parmi les assistants de Charles, on signale des Bretons, des Poitevins, des Saxons, des Normands, des Français, des Allemands, des Auvergnats. (Vers 3792 et suiv.) Il faut encore observer que, dans la Chanson de geste, comme dans la véritable procédure de nos deux premières races, l’Empereur n’a que le droit de présider le tribunal, et n’a même pas voix délibérative : « Seigneurs barons, dit le roi Charlemagne, jugez-moi le droit de Ganelon. » Il leur expose lucidement toute l’affaire, Ganelon présente librement sa défense, les barons prennent le parti de l’accusé, et Charlemagne enfin se trouve désarmé devant ses juges : « Quand Charles voit que tous lui font défaut, — Il en cache sa tête et son visage, — et, à cause de sa grande douleur : — « Malheureux que je suis ! » dit-il. (Vers 3815 et suiv.) Encore une fois, tout cela est barbare, et rien ne vous donne ici l’idée d’un tribunal romain. C’est bien là le tribunal germanique, où le président était presque