Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/195

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Et son enseignement et sa moralité ?
Comment pourrons-nous croire à la divinité
Si nous n’écoutons pas le rossignol qui chante,
Si nous n’en voyons pas une preuve touchante
Dans la suave odeur qu’envoie au ciel, le soir,
La fleur de la vallée avec son encensoir ?
Qui douterait de Dieu devant de belles femmes ?
Ah ! veillons sur nos cœurs et fermons bien nos âmes,
Laissons tourner le monde et les choses aller ;
Sans que nous la poussions, la terre peut rouler,
Et nous pouvons fort bien retirer notre épaule,
Sans faire choir le ciel et déranger le pôle ;
Se croire le pivot de la création
Est une erreur commune à toute ambition ;
L’on est persuadé qu’on est indispensable
Et l’on ne pèse pas le poids d’un grain de sable
Aux balances d’airain des grands événements.
L’on tombe chaque jour en des étonnements
À voir quel peu d’écume, au torrent de l’abîme,
Fait un homme jeté de la plus haute cime,
Et comme en peu de temps pour grand qu’il ait passé,
Par le premier qui vient on le voit remplacé.
Nos agitations ne laissent pas de trace :
C’est la bulle sur l’eau qui crève et qui s’efface ;