Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/238

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Jeter son âme au vent et semer sans qu’on sache
Si le grain sortira du sillon qui le cache,
Et si jamais l’été dorera le blé vert ;
Faire comme ces vieux qui vont plantant des arbres,
Entassant des trésors et rassemblant des marbres,
Sans songer qu’un tombeau sous leurs pieds est ouvert.

Et pourtant chacun n’a que sa vie en ce monde,
Et pourtant du cercueil la nuit est bien profonde,
Ni lune, ni soleil : c’est un sommeil bien long ;
Le lit est dur et froid ; les larmes que l’on verse
La terre les boit vite ; et pas une ne perce,
Pour arriver à vous, le suaire et le plomb.

Dieu nous comble de biens, notre mère nature
Rit amoureusement à chaque créature ;
Le spectacle du ciel est admirable à voir ;
La nuit a des splendeurs qui n’ont pas de pareilles ;
Des vents tout parfumés nous chantent aux oreilles ;
Vivre est doux, et pour vivre il ne faut que vouloir.