Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/293

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Comme un baiser d’adieu, glisse amoureusement,
Sur le front endormi de son bleuâtre amant,
Par la porte d’ivoire et la porte de corne.
Les songes vrais ou faux de l’Érèbe envolés,
Peuplent seuls l’univers silencieux et morne ;
Les cheveux de la nuit, d’étoiles d’or mêlés,
Au long de son dos brun pendent tout débouclés ;
Le vent même retient son haleine, et les mondes,
Fatigués de tourner sur leurs muets pivots,
S’arrêtent assoupis et suspendent leurs rondes.

Ô jeune homme charmant ! couronné de pavots,
Qui tenant sur la main une patère noire,
Pleine d’eau du Léthé, chaque nuit nous fais boire,
Mieux que le doux Bacchus, l’oubli de nos travaux ;
Enfant mystérieux, hermaphrodite étrange,
Où la vie, au trépas, s’unit et se mélange,
Et qui n’as de tous deux que ce qu’ils ont de beau ;
Sous les épais rideaux de ton alcôve sombre,
Du fond de ta caverne inconnue au soleil ;
Je t’implore à genoux, écoute-moi, sommeil !

Je t’aime, ô doux sommeil ! et je veux à ta gloire,