Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/357

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De chaque effet. Un mot, un geste, une ombre, un rien,
La plus folle chimère, un souvenir ancien
Qui dormait dans un coin du cœur et qui s’éveille,
Tout vous effraie. On dit qu’infortune pareille,
Ne s’est pas encor vue et que l’on en mourra ;
L’on n’en meurt pas ; demain peut-être on en rira.
Vous veniez pour vous plaindre ; un baiser, un sourire,
Et vous ne savez plus ce que vous veniez dire.
Quand tu liras ces vers, sans doute tu diras
Que mon idée est folle et tu m’embrasseras,
Et puis, j’oublierai tout, excepté que je t’aime
Et que je t’aimerai toujours. Fais-en de même.
Or, voici ma remarque. Il m’a semblé cela.
Je voudrais oublier toutes ces choses-là.
Mais je ne puis. Hier tu paraissais distraite,
Et ce n’est pas ainsi, certes, que Juliette
Laisse aller Roméo qui part. En ce moment
Où mon âme pâmée à chaque embrassement,
S’élançait sur ta bouche au-devant de ton âme,
Où ma prunelle en pleurs baignait ma joue en flamme,
Où mon cœur éperdu, sur ton cœur qu’il cherchait,
Vibrait comme une lyre au toucher de l’archet,
Où mes deux bras noués, comme ceux d’un avare
Qui tient son or et craint qu’un larron s’en empare,