Page:Gautier - La Comédie de la mort.djvu/359

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Comme au sein de sa mère un enfant qui s’endort ;
Que l’ennui vient d’entrer et que le plaisir sort,
Le moment est venu de regarder en face
L’amant qu’on s’est choisi. Quoi qu’il dise ou qu’il fasse,
Vous lirez sur son front son amour tel qu’il est.
Le mot sans doute est beau, mais ce qui m’en déplaît,
C’est qu’il s’adresse à l’homme et non pas à la femme.
Quand le corps assouvi laisse en paix régner l’âme,
Qu’on s’écoute penser et qu’on entend son cœur,
Et que dans la maîtresse on embrasse la sœur,
La première lassée est la femme. La honte
D’avoir été vaincue, au fond d’elle surmonte
Le bonheur d’être aimée ; elle hait son amant,
Comme on hait un vainqueur, et, certe, en ce moment
Les choses sont ainsi ; s’il est quelqu’un au monde
Qu’elle haïsse bien et de haine profonde,
C’est lui, car c’est son maître et son seigneur ; il peut
Divulguer tout ; il peut la perdre s’il le veut ;
Il ne le voudra pas, mais il le peut. La crainte
A remplacé l’amour ; une froide contrainte
Succède aux beaux élans de folle liberté.
Adieu l’enivrement, le rire et la gaîté.
La femme se repent et l’homme se repose,
Il a touché son but, il a gagné sa cause ;