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l’escadre 153

— Mais comment se placent les princes hindous dans cet échiquier ? Ce sont eux surtout qui m’intéressent.

— Ah ! voilà : les vainqueurs sont moins nombreux que les vaincus, un pour dix à peu près, et ils ne peuvent occuper tout le pays. Comme vous le savez, avant la conquête, l’Inde était divisée en quantité de royaumes grands et petits. Les musulmans ont laissé subsister ceux qui ont consenti à devenir tributaires du Grand Mogol et à reconnaître sa suzeraineté. S’ils payent bien, payer étant toujours le point capital, on les laisse régner comme ils l’entendent dans leurs États, quelquefois presque aussi grands que la France, souvent composés seulement d’une ville. De là les Rajahs et les Maharajahs : les rois et les grands rois.

— Merci, dit Bussy, jusqu’à présent je ne connaissais que l’Hindoustan légendaire et sacré, dont la poésie m’a si fort enthousiasmé, et que je croyais retrouver tel quel.

— Je suis moins poète que vous, dit Kerjean, je partage l’avis du Grand-Mogol : le tribut avant tout, et j’espère bien tirer ma fortune de ce merveilleux pays. Mais avec votre cours d’histoire vous nous faites oublier de regarder les belles dames qui passent.

Le Cours royal était situé le long de la grève, sous les remparts. C’était le rendez-vous du beau monde, et il était impossible d’imaginer une promenade plus magnifique. On la fréquentait au moment où le soleil tombait derrière la ville, et l’exubérante végétation des jardins, des avenues, les palmiers énormes dépassant les murs, les cocotiers, nulle part aussi beaux