Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/235

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Des bourreaux, vêtus de rouge, appuyés sur des haches, gardent chaque porte ; ils surveillent les assistants, et ont ordre de tuer sur la place, ceux qu’ils verraient dérober quelque chose.

Il y a là des seigneurs, des umaras, des bouffons et des bayadères ; tout le monde est debout, excepté l’attabek qui, en sa qualité de grand vizir, a le droit d’être assis, les jambes croisées, sur un large tabouret, à droite du trône.

Nasser penche sa large face noire par-dessus la balustrade qui borde l’estrade. Il trouve ce trésor assez misérable, en somme, et pense que son allié, le second fils d’Allah-Verdi, a dû en dissimuler la plus grande partie : que Mouzaffer-Cingh a été volé.

— Ah ! ah ! dit-il, mon cher neveu a aussi, sans doute, gaspillé beaucoup de cet or. Il a bien fait de se hâter, car il n’en aura plus d’autre désormais que celui de ses chaînes, que j’ai voulues d’or massif ; ne faut-il pas faire honneur aux personnes royales !

Et le Soutien du Monde pousse un éclat de rire, qui secoue de haut en bas toute sa grosse personne. Les courtisans ont des convulsions de gaieté, à cette saillie du maître.

— Le traître Mouzaffer doit bénir chaque jour Ta Majesté, dit le grand vizir ; aussi clément qu’Allah, tu le laisses vivre, lui qui a mille fois mérité la mort.

— Que veux-tu ! en vieillissant je deviens faible. Mon neveu n’est rien qu’une bête, s’il n’avait pas désobéi aux Français, qui menaient si parfaitement ses affaires, nous ne lui aurions pas repris aussi facilement le Carnatic ; mais au lieu de les écouter,