Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/259

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— En route, mes enfants ! cria Bussy. Je veux que le premier rayon de soleil caresse un drapeau français, au sommet des trois forteresses.

On se sépara, on se mit en marche au pas de course, la baïonnette en avant. Les Maures fuyaient devant ces lames aiguës ; Bussy arriva, sans avoir perdu un homme, au pied de la montagne du Nord, la plus formidable des trois.

Tout de suite ils appliquèrent les échelles, jetèrent des grappins, des cordes à nœuds ; et ils se mirent à grimper, avec une furie, un emportement qui semblaient supprimer les obstacles. Les marins, agiles comme des chats, s’étaient élancés les premiers ; Jean-Marie trouvait même la montée facile.

— Un mât de navire pendant un cyclone, c’est bien autre chose, disait-il ; au moins la montagne se tient tranquille, on ne reçoit pas de paquets d’eau sur la tête, ni cette pluie dans la figure, que le vent change en mille millions d’épingles.

Et l’une après l’autre les redoutes étaient prises, et l’on montait toujours, avec une ardeur qui ne faisait que croître. L’obscurité voilait les difficultés de l’escalade, c’était comme si elles n’existaient pas. Les feux, dirigés contre eux, leur faisaient peu de mal, et les soldats s’amusaient à compter tous les ouvrages qu’il fallait enlever, dont le nombre ne finissait pas.

Ils agissaient avec cette facilité qu’on a dans les rêves, et vraiment croyaient rêver. Jamais ils ne surent, en somme, comment ils avaient fait, ni par où ils avaient passé ; et quand du sommet de la forteresse, dont on avait eu raison avec des pétards, ils