Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/283

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Mogol, en combattant, pour la justice, contre un traître qui outrageait le pouvoir suprême. L’honneur que tu veux me faire, en me confiant la nababie du Carnatic est trop grand pour mes mérites, et je serai assez payé de mes peines si tu m’en laisses le titre sans l’autorité.

Il étendit alors la main vers Chanda-Saïb, qui était à quelques pas de lui.

— Je demande en grâce, s’écria-t-il, que tu confies le gouvernement de cet immense territoire à ce héros si fidèle.

Il y eut d’abord un silence de stupeur ; puis un cri d’admiration s’éleva, devant ce trait de désintéressement, dont aucun des assistants ne se sentait capable. Chanda-Saïb, bouleversé, se jeta en sanglotant aux pieds de Dupleix.

— Une telle grandeur d’âme est bien digne d’un héros tel que toi, dit le roi avec émotion. Il sera fait selon ton désir, mais ne me refuse pas le plaisir d’élever une colonne en ton honneur, et de fonder, sur les lieux témoins de ta dernière victoire, une ville dont le nom sera : Dupleix Fateh-Abad[1].

Et tandis que la foule éclatait en acclamations enthousiastes, le roi embrassa à plusieurs reprises cet homme extraordinaire, dont le pouvoir moral venait de grandir encore, tandis qu’il refusait, si magnifiquement, un royaume aussi vaste que la France.

Au moment où il entrait, avec Dupleix, sous la

  1. Ville de la victoire de Dupleix.