Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/348

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« Que l’éther, le feu, la terre, l’eau, la nature, soient mes témoins ! qu’ils portent vers toi mes plaintes, ô mon ami ! À cause de toi, je souffre, mon cœur est inquiet, mes lèvres sont altérées.

« Je croyais parcourir une route sans embûche, parsemée de verveine et de lotus, mais voici : J’ai rencontré le serpent d’amour et sa cruelle morsure m’a blessé.

« Au mal que j’éprouve, je ne trouve pas d’apaisement, la brise du soir, qui emporte l’âme des fleurs, est pour moi comme une flamme ; l’astre qui se lève accroît mes tortures.

« Seraient-ce donc tes froids rayons, ô lune ! qui font naître en mon cœur cette agitation funeste ? C’est qu’ils me rappellent, sans doute, l’astre qui doit éclairer ma vie.

« Il s’est levé ; hélas ! dans un ciel menaçant, il ne vient pas vers moi tel que je l’attendais : resplendissant de bonheur.

« Infortunée que je suis ! C’est lui seul qui occupe ma pensée, il est le maître de ma volonté, la lumière de mes yeux.

« Ah ! s’il doit s’enfuir et disparaître, ce sera la nuit profonde et sans réveil ; à cette pensée, mon âme chancelle : interdite, émue, je frémis ; ma vue se trouble, je sens que je me meurs ! »

La voix s’éteignit, les harpes vibrèrent seules un instant encore, et Ourvaci disparut dans la pénombre qui descendait comme un voile de gaze sur le palais.

Bussy resta accoudé, le front dans ses mains, palpitant d’une émotion violente. Ce chant, était-ce un