Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/374

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Des coureurs, armés de cannes d’argent, faisaient faire place à la reine.

Les cavaliers sortirent par la porte du Sud, et, la voûte une fois franchie, galopèrent, jusqu’à ce qu’ils eussent atteint une avenue de multipliants, qui se prolongeait à perte de vue.

— Ah ! s’écria Lila avec un soupir heureux, nous avons l’air d’oiseaux qui s’envolent, en pleine liberté, loin de toute contrainte.

Bussy regarda la reine qui, la tête un peu inclinée, lui sourit avec une exquise douceur ; puis, ce beau guerrier s’intimida, baissa les yeux et parut fort occupé à détacher son arc d’or de la selle où il était fixé.

— Dans toutes les régions du monde, à la voir ainsi, il est certain qu’on nommerait l’Amour, dit le marquis à Lila.

Ourvaci, du bout des doigts, prit par-dessus son épaule une flèche, empennée de plumes de perroquets.

— Prenez garde ! s’écria la princesse, le terrible Kama-Deva a soulevé son arc, et le trait, où le venin se mêle à l’ambroisie, va prendre son vol !

— Je ne redoute plus le Dieu triomphant, dit Bussy, il m’a tellement criblé de blessures que je le mets au défi de trouver place pour une de plus.

— Personne n’a rien à craindre, dit Ourvaci en riant, pas même les oiseaux ni les écureuils, qui peuplent les buissons épanouis et les arbres.

— Ta victime est sans doute un immortel, dit Bussy en voyant la reine tendre la corde de l’arc, dans un geste d’une grâce incomparable.