Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/384

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Bussy, d’avoir enfreint pour moi un précepte de ta loi. Je fais vœu, si cela peut te plaire, de ne plus me nourrir que de fruits et de racines.

— Il faut te moquer de mes préjugés, au contraire, dit Ourvaci ; la savante élève de Rugoonat-Dat m’a démontré qu’ils ne s’appuyaient sur rien ; personne ne possède comme elle les textes sacrés, aussi m’a-t-elle fait lire dans les Védas, qu’il est de règle d’offrir à un hôte, du miel, avec différentes viandes. Interroge Lila, elle te dira mille choses encore sur ce sujet : le sage Valmiki, lorsqu’il reçut dans son ermitage les épouses de Dasaratha, leur servit un grand festin composé de gibiers et de chairs diverses ; Rama lui-même sacrifiait des gazelles dans la forêt de son exil ; elle t’apprendra encore que ce sont les djênas et les bouddhistes qui les premiers ont interdit l’usage de la chair ; tu vois bien que nos superstitions ne méritent qu’une moquerie.

— L’agneau n’en est pas moins condamné, dit Lila, qui ajouta à l’oreille de Bussy : Il faut qu’elle t’aime bien follement pour avoir essayé un tel sacrifice, mais elle n’aurait pas pu le supporter, et se serait évanouie d’horreur, à la vue de ce mets réprouvé.

De magnifiques coquillages tenaient lieu d’assiettes et de plats, les coupes étaient d’or, et les cuillers formées par le bec rose et poli du coknos.

Pendant le repas, des musiciens et des chanteuses invisibles se firent entendre, et des danseuses, entrelaçant leurs belles écharpes, formèrent une ronde, à travers les arbres, et enveloppèrent les convives dans un cercle de gaze et d’or.