Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/443

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ter sa chair qui se roula en lanière, et il retomba dans le brasier, en se tordant.

Alors on vit l’étrange fakir, qui depuis quelques jours agitait le peuple, apparaître au sommet du bûcher, dansant, avec une joie folle, à travers les flammes, comme s’il ne pouvait en être atteint. Puis, d’un bond, il sauta à terre et se mit à courir, entraînant toute la foule derrière lui, vers le palais, où Bussy avait emporté la reine.

Ils étaient restés longtemps aux bras l’un de l’autre, incapables de parler, comme morts de bonheur ; s’étreignant à s’étouffer, à travers des pleurs et des rires, contemplant avec ivresse leurs visages pâlis et ravagés par la souffrance.

Elle ne pouvait se croire vivante ! remerciait tout bas les dieux qui lui accordaient le ciel de ses rêves.

— Une minute encore, disait Bussy, tout frémissant, et j’arrivais trop tard, mais à temps encore pour mourir avec toi. Ces flammes eussent été les rideaux de notre lit nuptial.

— Je ne suis donc pas morte ? demanda-t-elle en se renversant sur son bras pour mieux le voir, c’est donc réellement que les yeux adorés rayonnent tout près de mes yeux ? que je vois ces lèvres me sourire et qu’elles ne seront qu’à moi ?

— Ah ! elles s’useront à baiser la trace de tes pas, pour obtenir un pardon que je n’ai pas mérité, même par les tortures infernales que j’ai subies.

— Ne parle pas de pardon ; moi seule suis coupable, s’écria-t-elle en se rejetant sur son cœur, j’ai été lâche, faible comme une femme vulgaire. Je n’ai pas