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LA
CONQUÊTE DU PARADIS

I

LE DÉBARQUEMENT

Il fait nuit ; mais c’est une nuit indienne ruisselante d’étoiles. La mer, toute éclaboussée d’étincelles, semble rouler des braises, emmêler des rubans de feu.

Silencieux comme des fantômes, les vaisseaux de haut bord glissent rapidement, toutes voiles dehors. Ils paraissent gigantesques, dans la pénombre, avec leurs fières mâtures, leurs coques élevées, toute cette toile éployée qui met dans le ciel de larges taches sans astres.

Ces bâtiments ont une allure mystérieuse et sournoise qui n’a rien de pacifique ; les feux sont masqués, et, aux trois rangs de sabords, qui percent les flancs puissants, quelques lueurs piquées par les étoiles dénoncent les canons à l’affût.

Il y a là en effet huit navires de guerre, toute une