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2 LA NATURE CHEZ ELLE

vure de sa tige, déjà grillée et cuite par les premières gelées blanches. Elle danse, éperdument baltue par des vents sectaires. Une rafale plus forte que les autres l’enlève, et la voilà qui s’envole pour rejoindre ses sœurs et pourrir au pied de l’arbre dont elle était le frais honneur et l’ornement. Les pauvrettes acceptent leur sort avec résignation, satisfaites d’avoir accompli leurs destinées. Elles savent obscurément qu’au printemps prochain d’autres feuilles viendront sur l’arbre nourri par leur détritus changé en terreau, et qu’elles rentreront dans le torrent de la circulation universelle.

Décidément, c’est l’hiver. Sur le ciel gris brumeux, la découpure de la forêt se dessine en rameaux fins et menus comme une arborisation dans une agate. À travers le lacis des rameaux apparaissent des touffes de gui aux barbes pendantes, et les nids abandonnés que le feuillage cachait. Des fumées bleuâtres flottent entre les fûts