Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/360

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malheureusement des artistes, tout imbus d’idées antiques ? Par sa coupe simple et sa teinte neutre, il donne beaucoup de valeur à la tête, siège de l’intelligence, et aux mains, outils de la pensée ou siège de la race ; il maintient le corps à son plan et indique les sacrifices nécessaires à l’effet. Supposez Rembrandt face à face avec un homme de nos jours, en habit noir ; il concentrera la lumière prise d’un peu haut sur le front, éclairera une joue, baignera l’autre d’une ombre chaude, fera pétiller quelques poils de la moustache et de la barbe, frottera l’habit d’un noir riche et sourd, plaquera sur le linge une large touche de blanc paillé, piquera deux ou trois points brillants sur la chaîne de montre, enlèvera le tout d’un fond grisâtre, glacé de bitume. Cela fait, vous trouverez le frac du Parisien aussi beau, aussi caractéristique que le justaucorps ou le pourpoint d’un bourgmestre hollandais. Si vous préférez le dessin à la couleur, voyez le portrait de M. Bertin par M. Ingres. Les plis de la redingote et du pantalon ne sont-ils pas fermes, nobles et purs comme les plis d’une chlamyde ou d’une toge ? Le corps ne vit-il pas sous son vêtement prosaïque comme celui d’une statue sous sa draperie.

La beauté et la force ne sont plus les caractères