Page:Gautier - La Reine de Bangalore, 1887.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
LA CONQUÊTE DU PARADIS

Bussy est heureux ; on marche sur Arcate, on se rapproche de Bangalore.

C’est le comte d’Auteuil qui commande l’expédition ; de La Touche et Bussy sont sous ses ordres, mais ce dernier a seul les instructions secrètes. Chanda-Saïb, dès leur arrivée, les a reçus avec enthousiasme ; il a fait présent, à chacun des trois chefs, d’un superbe éléphant, avec son mahout et son harnachement ; c’est donc dans un houdah brodé, que le marquis est couché commodément, sommeille, rêve, ou cause avec son ami Kerjean, à qui il a offert l’hospitalité.

— On finit par se faire, à ce bercement un peu rude, lui dit-il. On dirait une nourrice qui secoue son marmot pour le forcer à dormir.

— Les premiers moments m’ont paru abominables, dit Kerjean ; mais c’est vrai, on s’y habitue, cela finit même par devenir agréable, Savez-vous qu’il est magnifique votre éléphant !

— Je crois bien, et il a une physionomie très intelligente ; je l’aime déjà. Comment vais-je l’appeler ?

— Ajax ou Alexandre.

— Pourquoi ?

— Puisqu’il va à la guerre.

— Pas de son plein gré. Non, quelque chose d’Hindou plutôt. Voici, je l’appellerai : Ganésa.

— Qu’est-ce que Ganésa ?

— Le dieu de la sagesse, et ce dieu a une tête d’éléphant.

— Parfait. Appelons-le Ganésa. Voilà tout de même un singulier cadeau : un éléphant plus un